Cours de chimie Organique - G. Dupuis - Lycée Faidherbe de Lille

LES AMINES

Classe
Les amines sont des composés azotés qui dérivent formellement de l'ammoniac NH3 par remplacement d'un ou plusieurs atomes d'hydrogène par des groupes carbonés. Le nombre n des atomes d’hydrogène liés à l'azote, définit la classe de l’amine.

n

2

1

0

Classe

Primaire

Secondaire

Tertiaire

On notera la différence entre la définition de la classe des amines et celle des alcools pour lesquels on s’intéresse aux atomes d’hydrogène liés à l’atome de carbone fonctionnel. La fonctionnalité amine recouvre un ensemble très étendu de composés. On distingue plusieurs séries :

 

Pyridine

Pipéridine

Alcaloïdes
Les amines d'origine végétale s'appellent alcaloïdes en raison de leur propriétés basiques. Donnons quelques exemples d'alcaloïdes et de leurs dérivés :
La caféine C peut être extraite du café et du thé. La théobromine T est contenue dans le cacao.

Quelques amines importantes industriellement

Méthylamine

Méthylamine


La méthylamine est préparée par alkylation de l'ammoniac.

La méthylamine est utilisée comme solvant et comme matière première dans la synthèse de colorants et d'insecticides.

Ethylamine

Ethylamine


L'éthylamine est préparée industriellement par amination réductive de l'éthanal.

On l'utilise comme solvant dans l'industrie du pétrole et en synthèse organique.

Aniline

Aniline

C'est l'amine aromatique la plus importante. On l'obtient par réduction du nitrobenzène [6] par un métal en milieu acide.

C'est un produit de base de l'industrie des colorants.

Propriétés physiques

Structure

L'atome d'azote est au sommet d'une pyramide y compris dans l'aniline ce qui est conforme aux prévisions de la méthode VSEPR. L'angle a entre les liaisons est tel que a < 109° du fait de la présence du doublet non liant.

Dans la plupart des cas, la structure n'est pas rigide. La barrière énergétique séparant les configurations est généralement faible et la fréquence d'interconversion est très élevée.

L'inversion de l'azote peut être impossible pour des raisons structurales. Lorsque la molécule est chirale, les deux énantiomères peuvent être séparés.
L'inversion peut quelquefois être assez lente pour que les deux énantiomères puissent être identifiés, voire piégés, à condition d'opérer à une température suffisamment basse. On rencontre ce type de situation dans la famille des aziridines substituées à l'azote.

Les ions ammonium quaternaires peuvent être obtenus à partir des amines grâce à la réaction d'alkylation d'Hofmann. Les énantiomères peuvent être séparés et isolés.

En revanche, les sels d'amines tertiaires sont indédoublables en raison de l'existence d'un équilibre rapide entre l'amine et l'ion aminium.

Le cas des amines aromatiques est plus complexe car des effets stériques et électroniques coexistent. L'atome d'azote de l'aniline est au sommet d'une pyramide très aplatie. Le doublet non liant de l'atome d'azote de l'aniline est engagé dans la résonance avec le cycle aromatique comme en témoigne le sens du moment dipolaire qui est dirigé du cycle vers l'atome d'azote et la valeur de l'énergie de résonance de la molécule.
On peut rendre compte de la structure électronique de l'aniline à partir des formes mésomères suivantes :

Spectroscopie

Spectroscopie infrarouge
La spectroscopie infrarouge constitue une méthode de choix pour l'identification des structures azotées. Les amines primaires et secondaires peuvent en général être distinguées car elles possèdent des spectres assez caractéristiques.

s(cm-1)

3500 - 3400

1650 - 1550

1350 - 1250

Vibration

Elongation N - H (doublet)

Déformation N - H

Elongation C - N

La fréquence d'absorption de la liaison C-N de l'aniline apparaît vers s(C-N) = 1300 cm-1 ce qui traduit un renforcement de la liaison dû à la participation à la résonance du doublet de l'azote .
On observe un doublet chez les amines primaires qui est dû au couplage entre les deux vibrateurs N - H. Les vibrations peuvent être symétriques ou non symétriques.

s(cm-1)

3400 - 3300

1600 - 1490

1350 - 1250

Vibration

Elongation N - H (simple)

Déformation N - H

Elongation C - N

On donne ci-dessous deux exemples de spectres.

Spectre IR de la cyclohexylamine

Spectre IR de la N-Méthylaniline

Spectroscopie de RMN
Voici un tableau présentant les déplacements chimiques les plus importants du proton lié à l'azote. On a fait figurer les amides dans le tableau à titre de comparaison.

d (ppm)

0 - 2

2 - 5

5 - 9

Composé

Amines non aromatiques

Amines aromatiques

Amides

Le proton lié à l'azote est mobile. L'ajout de quelques gouttes d'eau lourde entraîne le déplacement du pic correspondant.
Le spectre RMN de l'isobutylamine est donné ci-dessous à titre d'exemple. Les protons liés à l'azote donnent un signal pour d = 1, 25 ppm.

Spectre RMN de l'isobutylamine

Le spectre RMN de l'aniline présente un singulet pour d = 3,2 ppm dû aux atomes d'hydrogène du groupe amino et un massif complexe centré sur d = 6,5 ppm correspondant aux atomes d'hydrogène du cycle

Spectroscopie dans l'ultraviolet et le visible
La spectroscopie dans l'ultraviolet et le visible est surtout utile pour les amines aromatiques. Le spectre ci-dessous est celui de l'aniline.

Il est intéressant de comparer les spectres du benzène de l'aniline et de l'ion anilinium. Le tableau ci-dessous résume les valeurs des maximums d'absorption.

 

Composé

Bande E

Bande B

Benzène

203 nm (e = 7400)

254 nm (e = 204)

Aniline

235 nm (e = 8600)

285 nm (e = 1430)

Ion anilinium

203 nm (e = 7500)

254 nm (e = 169)

Le groupe NH2 déplace le maximum d'absorption des bandes B et E du cycle aromatique vers les grandes longueurs d'onde (effet bathochrome) tandis que leur intensité est accrue (effet hyperchrome). Ces effets peuvent être attribués à la conjugaison entre le doublet de l'azote et le cycle. En revanche, l'ion anilinium dans lequel la résonance a disparu, possède un spectre très comparable à celui du benzène.
Lorsque la conjugaison s'étend sur un plus grand nombre d'atomes comme dans les composés diazoïques, la longueur d'onde du maximum d'absorption peut se trouver dans le domaine visible. Le composé est coloré. L'hélianthine constitue un exemple de composé dont la couleur dépend de l'extension du système conjugué avec le pH.

Propriétés acido-basiques

Basicité
Elle est due au doublet non liant porté par l'atome d'azote.

Composé

PhNH2

PyH

NH3

Me3N

MeNH2

Me2NH

pKa

4,6

5,2

9,2

9,8

10,6

10,7

Expérimentalement, on observe l'ordre suivant des basicités en solution aqueuse :

Secondaires > Primaires > Tertiaires

Cet ordre est difficile à rationaliser car les écarts observés sont de faible amplitude. Plusieurs effets possèdant le même ordre de grandeur se superposent : électroniques, stériques, et surtout solvatation.

Acidité
Les amines primaires et secondaires sont des acides très faibles pK
a # 33. Celles-ci peuvent être déprotonées en milieu non aqueux par des bases très fortes telles que le butyllithium Bu-Li. On prépare ainsi le diisopropylamidure de lithium (iPr)2N-Li+, noté traditionnellement LDA. C'est une base très utilisée en synthèse organique car elle présente le double avantage de posséder une grande force et d'être très peu nucléophile du fait de l'encombrement de l'atome d'azote.

Une autre méthode consiste à coupler la réaction de déprotonation avec la réduction de l'ion H+ par un métal alcalin.

Alkylation

Bilan de l'alkylation d'Hofmann
La méthode a priori la plus simple pour alkyler l'atome d'azote d'une amine consiste à la faire réagir avec un dérivé halogéné. Avec une amine primaire ou secondaire il y a substitution d'un atome H par un groupe alkyle. On obtient donc en principe l'amine appartenant à la classe immédiatement supérieure. Avec une amine primaire, le bilan théorique s'écrit :

Cependant HX étant un acide fort, il est dissocié en solution :

Il faut donc tenir compte des équilibres acido-basiques suivants :


Ces équilibres diminuent le rendement de la réaction en privant l'amine de son caractère nucléophile.

On peut s'affranchir de cette difficulté en utilisant une base peu nucléophile comme l'ion carbonate qui réagit avec les ions H+ formés.

Avec une amine tertiaire on obtient un halogénure d'ammonium quaternaire.

Mécanisme
Avec un substrat primaire ou secondaire la réaction est de type SN2. Les substrats tertiaires sont peu exploitables en raison de la réaction concurrente d'élimination. L'amine peut en effet jouer le rôle de base.

Intérêt et limitations de la réaction

La réaction est surtout utilisée pour la synthèse des halogénures d'ammonium quaternaire. On utilise le dérivé halogéné en excès. Avec l'iodométhane, il s'agit de la perméthylation d'Hofmann.

Substitution nucléophile aromatique
L'atome d'azote d'une amine primaire ou secondaire peut substituer un halogène porté par un cycle aromatique fortement désactivé selon un mécanisme
d'addition élimination.


Réactions des ions ammonium quaternaires

Réactions d'élimination à partir des ions ammonium quaternaires
Les ions ammonium quaternaire possèdent un groupe -NR3+ lié à une chaine carbonée. Si l'atome de carbone en b possède un atome d'hydrogène, une élimination conduisant à un composé éthylénique est possible.

Les amines étant d'assez mauvais nucléofuges la réaction doit être effectuée en présence d'une base forte à chaud.

L'oxyde d'argent en suspension dans l'eau ou oxyde d'argent "humide", est très utilisé. Son rôle est double :

C'est un oxyde basique, qui en présence d'eau, est une source d'ions OH- :

L'ion Ag+ réagit avec avec I- pour donner de l'iodure d'argent AgI très peu soluble, ce qui décolle cet ion de la paire d'ions formée avec l'ion alkylammonium.

La régiosélectivité de l'élimination suit la règle d'Hofmann. Si deux composés éthyléniques peuvent se former, le composé majoritaire est celui qui possède la double liaison la moins substituée.

Le mécanisme de l'élimination est de type E2

Acylation

Bilan
Il s'agit de la réaction entre une amine primaire ou secondaire et un agent acylant : halogénure d'acyle, anhydride d'acide, acide carboxylique. On observe une réaction du même type avec l'ammoniac. La présence d'au moins un atome d'hydrogène sur l'azote est essentielle. C'est la raison pour laquelle les amines tertiaires ne peuvent être acylées.

Chlorures d'acyle et anhydrides
On fait réagir l'amine et le chlorure d'acyle en présence d'une base comme la pyridine destinée à neutraliser l'acide formé.

Les amines aromatiques subissent la même réaction

Acides carboxyliques
La réaction entre une amine et un acide carboxylique engage l'essentiel des réactifs sous forme de sel d'aminium inerte vis à vis de la réaction d'acylation puisque cet ion a perdu tout caractère nucléophile.

La réaction n'est donc généralement pas utilisée sauf dans quelques cas particuliers. La synthèse du phtalimide s'apparente à la réaction précédente mais le composé azoté est l'ammoniac.

Mécanisme dans le cas des halogénures d'acyle
Il s'agit d'un mécanisme par addition-fragmentation. La réaction ressemble à celle vue avec les alcools. L'étape cinétiquement déterminante est la formation de l'intermédiaire tétraédrique. Ce dernier subit une fragmentation quasiment non renversable avec départ de l'ion halogénure.

Addition nucléophile

Fragmentation de l'intermédiaire tétraédrique

Avec une amine tertiaire la réaction s'arrête au stade de l'ion acylaminium intermédiaire car il n'y a pas d’atome d’hydrogène sur l'azote. Les deux étapes sont alors équilibrées. En présence d'un excès d'eau, l'ion redonne l'amine et l'acide carboxylique parent du chlorure d'acyle.

Protection régénération
Les amides peuvent être hydrolysés en milieu acide ou en milieu basique dans des conditions assez dures. La transformation d'un groupe amino en groupe acétamido constitue un moyen de protection du groupe amino.

Synthèse des amines primaires de Gabriel
L'un des problèmes soulevé par la réaction d'Hoffman est la suralkylation de l'amine formée.

  • On commence par déprotoner le phtalimide au moyen d'une base. L'ion imidure obtenu est stabilisé grâce à la résonance avec les groupes carbonyles.

  • Cet ion stabilisé possède une basicité amoindrie par rapport à un ion amidure ordinaire mais une bonne capacité nucléophile.

    Le phtalimide alkylé possède un atome d'azote beaucoup moins nucléophile que celui d'une amine à cause de la conjugaison du doublet de l'azote avec les groupes carbonyles. La dialkylation est impossible.

  • L'amine est obtenue après traitement de cet intermédiaire par l'hydrazine N2H4.

Sulfonylation

Bilan
La réaction entre un halogénure d'acide sulfonique et une amine primaire ou secondaire fournit une sulfonamide.

Cette réaction est à la base du test de qui permet la distinction des trois classes d'amines.

Réactions avec les composés carbonylés

Imines

Synthèse des imines
L'addition d'une amine primaire sur un composé carbonylé conduit, par une réaction équilibrée, à un amino-alcool peu stable.

Les amino-alcools se déshydratent facilement en milieu acide pour donner des imines encore appelées bases de Schiff.

Les imines peuvent être regardées comme les analogues azotés des composés carbonylés. Elles possèdent comme ces derniers une liaison double polarisée. On peut donc prévoir qu'elles donneront lieu à des réactions d'addition.

Réduction des imines

Lorsque la réaction est effectuée en utilisant l'ammoniac comme composé azoté, il s'agit d'une synthèse d'amine primaire à partir d'un composé carbonylé.

Addition des organométalliques
L'addition d'un organomagnésien sur une imine substituée suivie d'une hydrolyse de l'adduit constitue une méthode de synthèse d'amines secondaires.

Nitrosation

Formation de l'électrophile
La nitrosation est la réaction entre une amine et l'acide nitreux HNO2. Ce dernier est un composé instable vis à vis de sa dismutation en NO3- et NO. Il est préparé dans le milieu réactionnel en acidifiant une solution de nitrite de sodium par l'acide chlorhydrique. La véritable entité électrophile est le cation nitrosonium NO+ qui est impliqué dans les équilibres suivants :

Amines secondaires
On obtient une N-nitrosoamine.

Les N-nitrosoamines sont des composés cancérigènes et huileux.

Amines primaires

Il se forme un ion diazonium peu stable.

Avec une amine non aromatique, l'ion diazonium n'est pas stable. Sa décomposition spontanée fournit un dégagement de diazote, molécule très stable et qui est un excellent nucléofuge. Le carbocation obtenu, très réactif, peut évoluer de nombreuses façons ce qui conduit à un mélange complexe de produits de substitution et d'élimination.

La réaction de désamination nitreuse peut être mise à profit pour réaliser des agrandissements de cycles.

Lors de la désamination il y a migration de la branche du cycle en position anti par rapport à la liaison C-N qui se rompt.

Les solutions d'ions diazonium des amines aromatiques peuvent être conservées plusieurs heures à 0 °C.

On peut rendre compte de leur stabilité relative car il y a mésomérie.

Réaction des ions diazonium aromatiques

Utilisation de l'hélianthine comme indicateur coloré
On utilise un réducteur comme EtOH ou H3PO2.

La réaction constitue une méthode de désamination des cycles aromatiques.

Substitution nucléophiles

Il s’agit d’une méthode d’iodation des cycles aromatiques. Rappelons que l’iodation d'un cycle aromatique par substitution électrophile n'est pas facilement réalisable. Il faut utiliser un mélange de diiode et d'acide nitrique afin de former de l'iode cationique.

Dans la réaction de Balz-Schiemann, on utilise NaBF4 pour former le tétrafluoroborate de diazonium. Ce dernier, chauffé à sec, fournit le composé fluoré recherché.

Le groupe OH ne peut pas être introduit sur un cycle aromatique par une substitution électrophile. Une synthèse utile des phénols passe par l'intermédiaire des ions diazonium.

Du point de vue mécanistique, ces réactions sont des substitutions nucléophiles monomoléculaires SN1.

étape cinétiquement déterminante de la réaction:

étape 2:

Couplage radicalaire, réaction de Sandmeyer

La réaction suit un mécanisme radicalaire. Les réactifs utilisés sont des halogénures de cuivre (I) : CuBr, CuCl.

La réaction est comparable aux précédentes. L'halogénure est remplacé par du cyanure de cuivre (I) CuCN.

Substitution électrophile sur les amines aromatiques

Nitration
La nitration directe de l'aniline est impossible car l'acide nitrique oxyde le groupe amino. Pour s'affranchir de cette difficulté, on utilise un groupe protecteur.

         

Réaction des amines tertiaires aromatiques avec l'acide nitreux
Avec les amines tertiaires aromatiques l'acide nitreux en milieu acide conduit à une substitution électrophile sur le cycle :

Oxydation des amines

Oxydation de l'aniline
L'oxydation de l'aniline dépend de l'agent oxydant utilisé :