Cours de chimie Organique - G. Dupuis - Lycée Faidherbe de Lille

LES AROMATIQUES

Le benzène

Origine et structure
Le benzène est un hydrocarbure de formule brute C6H6, liquide à la température ordinaire facile à cristalliser à 5,5 °C d'indice de réfraction élevé, voisin de celui du verre. Le benzène est le composé le plus connu de la famille des composés aromatiques. Le benzène est un composé toxique en raison de son action sur la moelle osseuse et de son caractère cancérigène.

Benzène


Les 6 atomes de carbone occupent les sommets d'un hexagone régulier. Les longueurs de liaison entre atomes de carbone sont toutes égales à 0,140 nm, intermédiaire entre une liaison simple (0,154 nm) et une liaison double (0,134 nm). Les 6 atomes d'hydrogène sont dans le même plan que les 6 atomes de carbone.

Formule de Kékulé du benzène
Plusieurs formules ont été proposées pour rendre compte de la structure du benzène. En 1865 Kékulé proposa une formule cyclique formée par l'alternance de liaisons simples et doubles. Un tel système est appelé système conjugué. Dans cette optique, le benzène est le cyclohexa-1,3,5-triène. La formule de Kékulé présente plusieurs défauts. Elle laisse prévoir l'existence de 2 dérivés dibromés sur les atomes de carbone 1 et 2 alors que l'expérience montre qu'il n'en existe qu'un seul. De plus elle suppose l'existence de liaisons simples et doubles alternées. Or on sait par ailleurs que ces liaisons possèdent des longueurs différentes. Cela ne permet pas d'interpréter l'existence d'un hexagone régulier.

En 1872, Kékulé perfectionna le modèle en suggérant que le benzène devait avoir une structure qui oscille entre deux formes. On passe d'une forme à l'autre en permutant les liaisons simples et doubles. Les tentatives répétées pour isoler ces formes et finalement leur échec ont ouvert la voie aux notions de conjugaison et de résonance.

La méthode de la résonance appliquée au benzène
La notion de doublet électronique localisé entre deux atomes subsiste mais cette localisation n'existe que dans certaines formes limites appelées formes mésomères. Celles-ci n'ont pas existence réelle. La molécule est un hybride de résonance entre les formes limites, chacune intervenant avec un certain poids statistique. On passe d'une forme à l'autre par basculement des doublets électroniques. On interprète ainsi la longueur des liaisons dans la molécule (0,140 nm), intermédiaire entre celle d'une liaison simple (0,154 nm) et une liaison double (0,134 nm).

Énergie de résonance du benzène
L'hydrogénation du benzène s'effectue en bloc et conduit au cyclohexane. Elle nécessite des conditions expérimentales assez fortes et un catalyseur. Le Nickel Ni y est très efficace.

A température modérée, la réaction est totale. 

Extension du concept d'aromaticité

[p]- annulènes
On a bien sûr cherché à synthétiser les homologues inférieurs et supérieurs du benzène. Ces hydrocarbures sont des molécules conjuguées, cycliques, que F. Sondheimer a proposé d'appeler [p]- annulènes. La valeur de [p] donne le nombre de chaînons du cycle.

[p]

4

6

8

nom

cyclobutadiène

benzène

cyclooctatétraène

Alors que le benzène est caractérisé par une grande stabilité (thermodynamique) et une inertie élevée (cinétique) en l'absence de catalyseur, le cyclooctatétraène possède une stabilité ordinaire et réagit beaucoup plus rapidement.

Pourquoi certains systèmes conjugués cycliques sont ils très stables tandis que d'autres ne le sont pas du tout ?

Méthode des orbitales moléculaires
La version la plus simple de la théorie des orbitales moléculaires appliquée aux molécules conjuguées a été mise au point par H. Hückel en 1931. Elle est connue sous le nom de méthode de Hückel.

Les niveaux d'énergie du cyclobutadiène (I), du benzène (II) et du cyclooctatétraène (III) sont donnés ci-dessous.

DE = 0

DE = 2 b

DE = -1,65 b

Effectuons le calcul dans le cas de la molécule de benzène. L'énergie EB du système p délocalisé est la somme des énergies des orbitales moléculaires occupées. Elle vaut :

EB = 6a + 8b
L'énergie du niveau liant de l'éthène vaut : a + b. L'énergie d'un système hypothétique EH constitué de 3 liaisons doubles isolées vaudrait
EH = 6(a + b)
L'abaissement d'énergie DE due à la conjugaison cyclique est calculée en effectuant la différence entre EB et EH :
DE = EB-EH.
DE = 2b
Puisque DE < 0, la molécule de benzène est plus stable que celle de 1,3,5-cyclohexatriène (hypothétique).

L'énergie de résonance électronique ER est par définition, l'opposé de cette grandeur :

ER = -2b
Remarque : le cas du cyclooctatétraène est un petit peu plus compliqué.

Critère d'aromaticité : règle de Hückel
Un hydrocarbure est aromatique s'il est : monocyclique, plan et qu'il possède 4n + 2 électrons délocalisables.

Le benzène est un hydrocarbure aromatique qui correspond à la valeur n = 1.

Un hydrocarbure est antiaromatique s'il est : monocyclique, plan et qu'il possède 4n électrons délocalisables.

Le cyclobutadiène (n = 1) et le cyclooctatétraène (n = 2) sont des hydrocarbures antiaromatiques.

Vérifications de la règle de Hückel
Après le benzène, le premier annulène qui satisfait la formule de Hückel est le [10]- annulène :

Dans ce composé, il existe une répulsion importante entre les atomes d'hydrogène situés sur les atomes de carbone les plus proches, le [10]- annulène (I) a tendance à se cycliser en dihydronaphtalène (II) avec lequel il est en équilibre. Le composé n'est pas aromatique car il n'est pas plan.

L'hydrocarbure suivant qui satisfait la formule de Hückel est le [14]- annulène. Ce composé est moins tendu que le précédent mais il existe aussi sous deux formes en équilibre qui ne sont pas rigoureusement planes par suite des contraintes angulaires. Le [14]- annulène n'est pas, à proprement parler, aromatique.

L'hydrocarbure suivant est le [18]- annulène. Il possède cette fois un cycle suffisamment grand pour qu'une conformation plane puisse exister sans contrainte angulaire. Son spectre de RMN indique l'existence d'un courant de cycle diamagnétique qui montre son caractère aromatique.

Hydrocarbures polycycliques
Il existe de nombreux hydrocarbures possèdant des noyaux benzéniques accolés. La parenté de ces composés avec le benzène entraîne pour certains d'entre-eux un caractère aromatique indéniable (réactions de substitution électrophiles etc). Cependant il faut faire attention que la règle de Hückel, qui n'est valable que pour les hydrocarbures monocycliques, ne s'applique pas à ces hydrocarbures .

composé

naphtalène (I)

phénantrène (II)

coronène (III)

électrons p

10

14

24

Les deux premiers suivent la formule de Hückel mais pas le troisième malgré son caractère aromatique incontestable.

Coronène

 

Le coronène possède 24 électrons p . La molécule est plane et possède un caractère aromatique incontestable. Le coronène ne satisfait pas la formule de Hückel.

Hétérocycles aromatiques

Présentation
Un hétérocycle possède un ou plusieurs hétéroatomes (N, O, S etc) à l'intérieur d'un cycle d'atomes de carbone. Le tableau suivant regroupe quelques hétérocycles simples.

Pyridine

Pyrrole

Furanne

Thiophène

La pyridine et le pyrrole sont des amines hétérocycliques qui possèdent respectivement 6 et 5 chaînons. Ils sont tous les deux aromatiques avec 6 électrons délocalisés.

Dans la pyridine le doublet non liant de l'azote ne participe pas au système aromatique. En revanche dans le pyrrole ce doublet y participe.  


 Le doublet sur l'azote ne participe pas au système aromatique. C'est la raison pour laquelle la pyridine a des propriétés basiques : pKa (PyH+/PyH) = 8,6. La pyridine est un bon solvant de nombreux composés organiques elle est également miscible à l'eau (grâce aux liaisons H). On l'utilise fréquemment comme piège à protons.

C'est un composé toxique dont l'odeur est particulièrement écœurante.

Pyrrole


 Contrairement à la pyridine, le doublet de l'azote participe au système aromatique. De ce fait, le pyrrole est une base très faible : pKa(PyrH+/PyrH) = 0,4. Le cation n'a aucun caractère aromatique. Le pyrrole est aussi un acide très faible . L'anion pyrrolique est, comme le pyrrole, un système aromatique

Ions aromatiques

Cation cyclopropénium
Il est également possible de préparer des systèmes conjugués cycliques cationiques. L'un des exemples les plus remarquables est le cation cyclopropénium qui bien que présentant des contraintes stériques importantes a pu être préparé. Il satisfait la règle de Hückel avec n = 0.

Le ferrocène
Par réaction entre l'ion cyclopentadiényle et les ions Fe2+ dans le DMSO on obtient un complexe dont la structure et les propriétés sont remarquables : le ferrocène.

Ferrocène solide


A la température ordinaire, le ferrocène se présente sous la forme d'un solide de couleur orange possèdant une grande stabilité chimique. Ce composé a excité l'imagination des chimistes en raison du mode original de liaison entre les cycles et le fer. Les cycles présentent un caractère aromatique mais avec une réactivité accrue.

Le ferrocène est un composé organométallique. L'analyse par diffraction des rayons X et par diffraction des neutrons montre que la conformation la plus stable est celle-ci.

Spectroscopie

Spectroscopie UV
Le spectre UV du benzène présente trois bandes d'absorptions :

La bande B possède une intensité faible car elle est interdite. On ne pourrait l'observer si la molécule était parfaitement rigide. Elle n'est visible que grâce au couplage avec les vibrations des liaisons entre les atomes (couplage vibronique). Les spectres UV des polyacènes ressemblent à celui du benzène mais les longueurs d'onde des maxima d'absorption sont déplacés vers les grandes longueurs d'onde (effet bathochrome) et l'intensité des bandes est accrue.

Spectroscopie de RMN
Le spectre de RMN du benzène se présente sous forme d'un singulet à d = 7,4 ppm. Les 6 protons de la molécule sont équivalents par symétrie et ils ne sont donc pas couplés.

Le spectre ci-dessous est celui de l'isopropylbenzène (cumène). On distingue trois massifs qui correspondent à trois groupes de protons :

Spectroscopie infrarouge
Trois régions sont particulièrement intéressantes :

Cette dernière catégorie est très précieuse pour identifier les isomères des aromatiques polysubstitués. Voici les ordres de grandeur des vibrations hors du plan des liaisons C-H pour des noyaux benzéniques disubstitués.

Composé

Ortho

Méta

Para

s (cm-1)

730-770

750-810

800-860

Comme application, voici le spectre infrarouge de l'isomère ortho du 1,2-difluorobenzène.

Réactions d'addition sur les composés aromatiques

Complexes p

Les solutions de diiode dans le benzène sont violettes. Mais une étude fine du spectre d'absorption de la solution montre l'existence d'une bande intense dans le proche ultraviolet. Elle est due a la formation d'un complexe p dans lequel le benzène joue le rôle de donneur par son système d'électrons p et le diiode celui d'accepteur.

Porter des gants et opérer sous une hotte


En dissolvant du diiode dans du benzène on obtient une solution de couleur violette. L'étude du spectre d'absorption montre l'existence d'une bande de transfert de charge : lm = 292 nm . Elle est due à la formation d'un complexe p entre le benzène et le diiode. L'expérience de gauche a été réalisée avec du diiode et du toluène. La couleur de la solution est un peu différente de celle obtenue avec le benzène.

D'autres accepteurs forment des complexes de ce type avec les hydrocarbures aromatiques. Les autres halogènes : Br2 , Cl2. Le 2,4,6-trinitrophénol (acide picrique) forme des complexes cristallins avec certains aromatiques ce qui permet de les purifier.

Addition de dihydrogène

Application : hydrogénation sélective des chaînes latérales
Le cycle est thermodynamiquement stable et cinétiquement beaucoup moins réactif qu'une double liaison éthylénique. On peut donc hydrogéner sélectivement une double liaison éthylénique en opérant à température et pression ambiantes. L'exemple suivant concerne le styrène.

Addition du dichlore sur le benzène

L'addition du dichlore s'effectue en bloc. La réaction est initiée par un rayonnement UV, le mécanisme est radicalaire. On obtient différents stéréoisomères de l'hexachloro-1,2,3,4,5,6-cyclohexane. Puisque la molécule possède 6 atomes de carbone asymétriques, on peut prévoir un nombre maximum de 26 = 64 stéréoisomères. Compte-tenu de la symétrie de la molécule il y a seulement 9 stéréoisomères (7 composés meso et un couple d'énantiomères).

Le stéréoisomère ci dessous est appelé gammexan . C'est un puissant insecticide.

Lindane

L'image de gauche représente le gammexan.

 

Additions de Diels-Alder sur l'anthracène

Le cycle central de l'anthracène possède un caractère aromatique plus faible que les deux autres cycles. Il se comporte comme un diène et donne une réaction de Diels-Alder avec des diénophiles suffisamment réactifs comme le tétracyanoéthène TCNE.

gants+hotte

gants+hotte

gants+hotte

I

II

III

 

La réaction de Diels-Alder entre l'anthracène et le TCNE s'effectue par simple mélange des réactifs à la température ordinaire. L'erlenmeyer de gauche contient 0,3 g de TCNE (solution de couleur orange) dans 25 mL de toluène. L'erlenmeyer de droite contient 0,6 g d'anthracène dans 25 mL de toluène.

Ces composés sont tous toxiques. L'ensemble est placé sous une hotte ventilée. La réaction se manifeste pendant une période transitoire par une coloration verte due à un complexe de transfert de charge entre l'anthracène (donneur d'électrons) et le TCNE (accepteur d'électrons). Au bout de quinze minutes environ, on obtient le produit qui se présente sous la forme d'un composé solide à la température ordinaire (sublimation à 269 °C).

Oxydo-réduction des cycles aromatiques

Oxydation du Benzène

L'oxydation du benzène est une réaction d'intérêt essentiellement industriel. On obtient l'anhydride maléique.

Oxydation de l'anthracène

Elle conduit à la formation d'une quinone, l'anthraquinone, ce qui témoigne du faible caractère aromatique du cycle central de cette molécule.

Réduction de Birch

Résultats expérimentaux
La réaction de Birch est une réduction des composés aromatiques par un métal alcalin dissous dans l'ammoniac liquide ou une amine. Il s'agit d'une méthode d'hydrogénation partielle, régiosélective, d'un cycle aromatique.

A faire sous une hotte ventilée


Le naphtalène est un bon accepteur d'électrons vis à vis d'un métal alcalin comme le sodium. Lorsqu'on agite de petits morceaux de sodium avec une solution de naphtalène dans le THF anhydre, on observe la formation d'un anion-radical qui confère à la solution une belle couleur verte. Si l'on ajoute un donneur de protons comme l'éthanol la couleur verte disparaît et il se forme du dihydronaphtalène.

 

Mécanisme
Dans le cas du naphtalène, le mécanisme suivant peut être proposé :

La réaction peut se poursuivre sur l'autre cycle.

Réactions de la chaîne latérale

Oxydation
Réaction

La réaction affecte la chaîne au niveau de l'atome de carbone en a du cycle. Cette position benzilique est très sensible à l'oxydation dans le cas où il y a au moins un atome d'hydrogène. La coupure de la chaine carbonée s'effectue de manière régiosélective quelle que soit sa longueur. L'acide obtenu est donc l'acide benzoïque.

Tout oxydant assez puissant peut convenir : KMnO4, K2Cr2O7, ou l'oxygène de l'air avec un catalyseur adéquat contenant du Co(II)

Applications
C'est une voie d'accès commode car l'introduction directe du groupe -COOH dans un cycle n'est pas possible par substitution. L'oxydation du 1,4-diméthylbenzène (p-xylène) est une préparation industrielle de l'acide 1,4-benzènedicarboxylique (acide téréphtalique).

Halogénation
Lorsqu'on porte à reflux du toluène et du dibrome à la température ambiante sous irradiation UV, on obtient facilement le 1-bromo-1-phénylméthane.

Avec une chaîne latérale plus longue, la réaction est régiosélective et l'halogénation implique exclusivement la position benzylique. Cette régiosélectivité s'explique par l'intervention de radicaux benzyliques dans l'étape déterminant la vitesse. La chloration de la chaîne latérale est également possible mais elle est beaucoup moins régiosélective.

Réactions de substitutions électrophiles

Présentation
Le substrat est le composé aromatique. Le réactif est un électrophile. La réaction consiste en la substitution d'un atome d'hydrogène du substrat par l'électrophile. Il s'agit donc d'une substitution électrophile en série aromatique. Elle est notée SEAr. Puisqu'il s'agit d'une substitution, le caractère aromatique du substrat se retrouve dans le produit final.

Halogénation

Résultats expérimentaux

Chlorure d'aluminium


AlCl3 est un composé de couleur blanche, solide à la température ordinaire. Il est très hygroscopique et en présence d'eau ou d'air humide, il est hydrolysé en Al(OH)3 et HCl qui forme un brouillard. 

 

Mécanisme
Nous allons raisonner sur l'exemple de la bromation. La réaction s'effectue en plusieurs stades :


Ce complexe s possède une énergie beaucoup plus élevée que les réactifs. On peut décrire en première approximation sa structure électronique en utilisant la méthode de la mésomérie.

Nitration

Résultats expérimentaux
La réaction de nitration du benzène peut être effectuée à la température ambiante en utilisant HNO3 fumant ou le mélange HNO3, H2SO4 concentré. Elle conduit au mononitrobenzène. Ce dernier, plus dense que les réactifs, va au fond du réacteur. Avec des aromatiques plus réactifs comme les phénols, l'acide nitrique dilué suffit mais le mécanisme est différent.

Mécanisme
Il s'agit d'une réaction par stades :

C'est aussi un déshydratant énergique qui permet le déplacement de l'équilibre de formation de l'électrophile en captant l'eau formée.

Le véritable réactif électrophile est le cation nitronium NO2+. On dispose de plusieurs preuves de l'existence de cet ion comme agent nitrant. 

B- symbolise une base du milieu réactionnel HSO4- ou NO3-.

Comme nous le verrons plus loin, le groupe -NO2 est fortement désactivant et les dérivés nitrés réagissent beaucoup moins vite que le benzène.

Cation nitronium

L'image de gauche représente le cation NO2+. Conformément aux prévisions de la méthode VSEPR, cet ion est linéaire

  • La réaction entre H2SO4 et HNO3 fournit NO2+
    HNO3 + 2 H2SO4 = NO2+ + H3O+ + 2 HSO4-

 

Les dérivés nitrés en tant qu'explosifs
Les dérivés polynitrés, notamment le 2,4,6-trinitrotoluène (TNT), sont utilisés comme explosifs. On les obtient dans des conditions plus dures que les mononitrés. La réaction doit être effectuée à chaud et sous pression.

TNT


L'image de gauche représente la molécule de trinitrotoluène plus connue sous le sigle TNT. A la différence de la nitroglycérine, c'est un composé assez stable pour lequel la décomposition nécessite un explosif auxilliaire.  L'augmentation brutale de volume qui en résulte est à l'origine d'une onde de choc et du caractère brisant de l'explosif.

Réduction des dérivés nitrés
Les dérivés nitrés aromatiques sont une voie d'accès intéressante aux amines aromatiques par réduction du groupe nitro. L'introduction directe d'un groupe amino n'est en effet possible que sur des cycles fortement appauvris en électrons ou en utilisant des bases très fortes, en suivant un mécanisme de substitution nucléophile aromatique SNAr.

La réduction du nitrobenzène par un métal en milieu acide, conduit à un sel d'anilinium. Après passage en milieu basique, on obtient l'aniline.

Au laboratoire on utilise l'étain Sn ou l'amalgame Zn / Hg en milieu chlorhydrique. Dans l'industrie on utilise le Fe comme réducteur du fait de son coût moins élevé.

Sulfonation

Résultats expérimentaux
La sulfonation du benzène peut être effectuée en portant à reflux un mélange de benzène et d'oléum (SO3 dissous dans H2SO4 concentré).

Mécanisme
Il s'agit d'une réaction par stades. On va se placer dans le cadre d'un contrôle cinétique de la réaction.

Le remplacement de l'atome d'hydrogène par un atome de deutérium montre l'existence d'un effet isotopique. On en déduit que l'étape de réaromatisation est cinétiquement déterminante.

trioxyde de soufre


L'image de gauche représente la molécule de SO3.  L'acide sulfurique concentré à 98 % est capable de dissoudre SO3 pour donner un liquide appelé oléum .

Défonctionnalisation des dérivés sulfonés
La réaction de sulfonation présente l'importante caractéristique de pouvoir être renversée. Si l'on traite un acide sulfonique à chaud par une solution étendue d'acide, on observe le remplacement de HSO3+ par H+. La force motrice de la réaction est, dans ce cas, la formation des composés les plus stables. La réaction est thermodynamiquement contrôlée.

Sulfonation du naphtalène
Par monosulfonation du naphtalène, on peut former a priori deux isomères : l'acide naphtalène-1-sulfonique et l'acide naphtalène-2-sulfonique nommés respectivement a et b.

Lorsque la réaction est effectuée à 50 °C on obtient de façon majoritaire le composé le plus rapidement formé : c'est l'isomère a qui est le produit cinétique de la réaction.

Si la réaction est effectuée à une température plus élevée 180 °C et se prolonge suffisamment pour qu'un équilibre s'établisse on obtient majoritairement l'isomère b. C'est le produit thermodynamique de la réaction.

Application de la réaction de sulfonation et des dérivés sulfonés
En raison du caractère renversable de la réaction, un acide sulfonique peut être désulfoné par hydrolyse à température élevée. Cette caractéristique permet d'utiliser la suite sulfonation-désulfonation pour bloquer temporairement une position d'un cycle aromatique dans une synthèse multiétapes.
Les acides sulfoniques sont des acides forts qui possèdent de nombreuses applications. L'acide paratoluènesulfonique, en abrégé
APTS est utilisé pour préparer des esters sulfoniques d'alcools. Outre leur utilisation en synthèse, les acides benzène-sulfoniques sont utilisés comme détergents. Notons que la fusion alcaline des dérivés sulfoniques conduit aux phénols dans des conditions assez dures.

Alkylation de Friedel et Craft

Résultats expérimentaux
Il s'agit d'une réaction de création de liaison carbone-carbone. Le réactif alkylant possède un atome de carbone déficient en électrons donc électrophile. La réaction nécessite la plupart du temps l'emploi d'un acide de Lewis comme catalyseur afin d'exalter le caractère électrophile du réactif. On utilise AlCl3 ou AlBr3 avec les dérivés halogénés. H+ avec les alcools et les éthyléniques.

La réaction entre le benzène et le tétrachlorométhane en présence de AlCl3 constitue un moyen de synthèse du chlorure de triphénylméthyle.

A faire sous hotte. Porter des gants

Réaction de Friedel et Crafts entre le toluène et CCl4.
Dans un tube à essais bien sec on introduit une spatule de chlorure d'aluminum anhydre. On chauffe le fond du tube jusqu'à ce que AlCl3 se vaporise et se condense sur la paroi froide en haut du tube. Lorsque le tube est revenu à la température ambiante, on verse au moyen d'une pipette Pasteur quelques gouttes d'un mélange de toluène et de tétrachlorométhane CCl4. Une couleur rouge sang se développe au niveau du catalyseur qui témoigne de la formation d'un carbocation fortement conjugé.

Mécanisme
Il s'agit d'une réaction par stades mais les différentes étapes sont renversables. On va raisonner avec un dérivé halogéné.

La réaction entre le dérivé halogéné et un acide de Lewis (AlCl3 , AlBr3) conduit à un carbocation potentiel (ou à un vrai carbocation dans le cas où ce dernier est suffisamment stable).

Utilisation de la réaction de Friedel et Craft
La réaction est d'un emploi assez limité en synthèse car il y a souvent ambiguité sur la nature du produit final. Les causes principales sont :

Acylation de Friedel et Craft

Résultats expérimentaux
Il s'agit d'une synthèse de cétone aromatique. Le réactif acylant est un halogénure d'acyle ou un anhydride d'acide. La réaction nécessite l'utilisation d'un acide de Lewis comme AlCl3 en tant que catalyseur.

Mécanisme
On va raisonner dans le cas où le réactif acylant est un halogénure d'acyle. On distingue trois étapes :

On peut aussi observer l'intervention d'un véritable cation acylium.

Formation d'un complexe avec le catalyseur
Quand on effectue l'acylation en présence d'un catalyseur comme AlCl3, il est nécessaire d'utiliser au moins une mol de catalyseur par mole de cétone formée. En effet celle-ci est suffisamment basique pour former un complexe avec AlCl3 qui bloque son activité catalytique.

La cétone est libérée du complexe par traitement en milieu acide.

Applications
L'acylation constitue une voie d'accès aux cétones aromatiques mais elle constitue aussi une alternative intéressante à la réaction d'alkylation de Friedel et Craft. La réduction du groupe carbonyle en méthylène étant réalisable assez facilement la plupart du temps. Il n'y a pas d'ambiguité sur le produit final car les ions acylium ne se réarrangent pas.

Réaction d'acylation intramoléculaire
Dans les cas favorables (cycles à 5 ou 6 chaînons), les réactions d'acylation peuvent être mises à profit pour réaliser des cyclisations, comme le montre l'exemple ci-dessous :

Réaction de Gattermann-Koch

Résultats expérimentaux
On peut se demander s'il est possible de synthétiser des aldéhydes en utilisant la réaction de Friedel et Crafts. La formylation des hydrocarbures aromatiques est possible en utilisant un mélange de monoxyde de carbone CO et de chlorure d'hydrogène HCl avec AlCl3 comme catalyseur. La réaction prend alors le nom de réaction de Gattermann-Koch. Avec AlCl3 seul, la réaction est effectuée sous pression et elle est surtout utilisée dans l'industrie.

Le groupe phényle oriente la substitution sur les positions ortho et para de l'autre cycle. L'obtention quasi-exclusive de l'isomère para est dûe à l'encombrement de la position ortho et sera justifiée plus loin.

Substitutions électrophiles sur des dérivés du benzène

Position du problème
On s'intéresse à la réaction de SEAr entre un dérivé monosubstitué du benzène Ph-A et un réactif électrophile. Ce dernier sera noté symboliquement E+ mais il peut s'agir d'une molécule. Nous allons aborder ce problème :

régiosélectivité : 3 stéréoisomères peuvent être obtenus dans des proportions qui sont a priori différentes.

Les positions relatives des substituants dans les dérivés disubstitués sont données par des noms consacrés par l'usage :

Position relative

1, 2

1, 3

1, 4

Nom

Ortho

Méta

Para

Examinons les résultats expérimentaux relatifs à la nitration de quelques composés aromatiques. Les résultats sont regroupés dans le tableau suivant :

Groupe

Vitesse relative

Ortho

Méta

Para

-OH

103

40

<2

58

-CH3

25

58

4

38

tBu

16

12

8

80

H

1

-

-

-

-CH2Cl

0,71

32

15,5

52,5

-Cl

3,3 10-2

31

<0,2

69

-COOEt

3,7 10-3

2

72

4

-CF3

2,6 10-5

6

91

3

-NO2

6 10-8

5

93

2

-N+(CH3)3

1,2 10-8

0

100

0

Les résultats précédents montrent qu'on peut classer les groupes A en deux catégories :

Activants forts

Activants faibles

Désactivants faibles

Désactivants forts

-NH2 , -NHR , -NR2 ,

-NHCOR, -OH, -OR

alkyle , phényle

 

-F, -Cl , -Br , -I

-NO2 , -CF3 , -N+R3

-COOH, -COOR, -COR -SO3H, -CN

L'examen de la régiosélectivité de la réaction permet également de distinguer deux catégories 

Orientation en ortho-para

Orientation en méta

activants forts

activants faibles

halogènes

désactivants forts

On va rationaliser ces résultats expérimentaux dans le cadre du modèle ci-dessous :

Modèle utilisé
Nous allons raisonner dans le cas fréquent où la réaction est sous contrôle cinétique et dans laquelle la formation du complexe s (intermédiaire de Wheland) constitue l'étape cinétiquement déterminante.

Dans ce cadre, le postulat de Hammond permet de ramener cette discussion à celle de la stabilité de l'intermédiaire de Wheland. Ce modèle n'est pas toujours satisfaisant dans les cas suivants :

Nous allons limiter l'étude à celle des trois cas classiques de substitution sur les positions ortho, méta, para. 

Stabilité de l'intermédiaire de Wheland
Dans le cadre du modèle prédent, l'intermédiaire de Wheland se forme dans l'étape cinétiquement déterminante de la réaction. Nous allons comparer la stabilité des différents intermédiaires possibles en utilisant comme outil la méthode de la mésomérie.

Classement des groupes selon leur effet électronique
On peut distinguer quatre catégories :

Effet électronique

Cinétique de réaction

Régiosélectivité

-I & -I, -M

désactivants

orientation méta

Effet électronique

Cinétique de réaction

Régiosélectivité

-I, +M (sauf halogènes)

activants

orientation ortho-para

Ce cas est plus délicat car les effets sont opposés. Si l'on met à part les halogènes qui seront étudiés plus loin. On peut retenir les résultats suivants :

Effet électronique

Cinétique de réaction

Régiosélectivité

halogènes (-I, +M)

désactivants

ortho-para

La réaction est ralentie par rapport au benzène (assez peu). L'orientation ortho-para reste favorisée.

Effet électronique

Cinétique de réaction

Régiosélectivité

alkyles (+ I)

activants

ortho-para

La réaction est accélérée par rapport au benzène. L'orientation ortho-para est favorisée.

Le rapport ortho-para
Le rapport r(o)/r(p) dépend beaucoup des conditions expérimentales : par exemple dans la chloration du toluène, ce rapport varie selon les protocoles expérimentaux, de 62/38 à 34/66. Plusieurs facteurs entrent en jeu :

Groupe

Ortho

Para

r (ortho) / r (para)

-CH3

58

37

0,78

-CH2CH3

45

49

0,46

-CH(CH3)2

30

62

0,24

-C(CH3)3

16

73

0,11

Pour un même substrat, ici le tertiobutylbenzène, le rapport suit le même type d'évolution lorsque la taille du groupe entrant augmente.

Réaction

Ortho

Para

r (ortho) / r (para)

chloration

39

55

0,35

nitration

30

70

0,21

bromation

11

87

0,06

sulfonation

< 1

> 99

0,005

Réactions de substitutions nucléophiles aromatiques

Mécanisme d'addition-élimination

Résultats expérimentaux
Les réactions de substitution nucléophiles sur des substrats aromatiques sont possibles sur des cycles fortement désactivés par des groupes attracteurs situés en ortho ou para du nucléofuge.

Mécanisme
Raisonnons sur le 1-chloro-2-nitrobenzène en tant que substrat.

Exemples d'application

Mécanisme d'élimination addition

Résultats expérimentaux
Lorsqu'on fait réagir le parabromotoluène par l'ion amidure dans l'ammoniac liquide on obtient un mélange de deux composés : la paratoluidine et la métatoluidine. La formation de la paratoluidine peut s'expliquer par la substitution d'un atome de brome par un groupe amino. Celle de la métatoluidine est plus surprenante car le groupe amino s'est fixé sur une position non occupée du cycle aromatique.

Mécanisme
Le mécanisme de la réaction est différent du précédent car il n'existe pas ici de groupe attracteur sur le cycle apte à stabiliser une charge négative. Pour expliquer la formation des produits obtenus, J.D. Roberts a imaginé dans les années 70, l'existence d'un intermédiaire possèdant deux points d'attaque : le benzyne.

benzyne


On dispose de nombreuses preuves de l'existence du benzyne comme intermédiaire. Il a été préparé en 1970. 
Le spectre IR montre l'existence d'une bande d'absorption à 1846 cm-1 ce qui témoigne de l'existence d'une liaison dont l'ordre est supérieur à deux et d'évaluer sa longueur : 135 pm.

La réaction utilisée est la suivante :

Une voie pratique et douce pour préparer le benzyne est la décomposition thermique ou photochimique du produit de diazotation de l'acide anthranilique.

L'acide anthranilique lui même peut être obtenu en effectuant la réaction de dégradation d'Hoffmann de l'acide phtalique.